Dr Guillaume DUTIL
Lorsqu’un diagnostic d’épilepsie a été établi, l’objectif principal, tant pour l’animal que pour le propriétaire, est de réduire la fréquence d’apparition des crises.
Au-delà de la mise en place d’un traitement médical ou de l’adaptation de l’alimentation, l’identification de facteurs déclenchants est actuellement au centre des recherches. En médecine humaine, ils sont nombreux et bien connus (émotion forte [stress, fatigue], photo-stimulation, infection concomitante, alimentation [alcool]) même s’ils ne sont pas systématiquement présents avant chaque crise. Nous parlons alors d’épilepsie réflexe et l’identification des facteurs déclenchants fait partie intégrante de la prise en charge des crises.
Facteurs rapportés dans la littérature
Depuis quelques années, plusieurs facteurs ont été pointés du doigt comme possibles éléments déclencheurs de crises.
Chez les chiens présentant une maladie de Lafora1, des crises myocloniques peuvent être déclenchées suite à :
- des stimulations oculaires (photo-stimulation ou mouvement brusque dans le champ visuel)
- des stimulations sonores
En cas d’épilepsie idiopathique (ou “d’épilepsie réflexe”, même si la classification n’est pas claire en médecine vétérinaire) d’autres facteurs sont rapportés :
- les périodes de chaleurs chez les chiennes non stérilisées entraînant des crises groupées2 ;
- la prise alimentaire3 ;
- une activité physique intense4.
Chez les chats, des stimuli auditifs peuvent entraîner des crises d’épilepsie alors dites « réflexes »5.
Après avoir récemment interrogé les propriétaires de chiens épileptiques idiopathiques, plusieurs éléments ont été avancés comme facteurs déclencheurs. De manière générale, nous retrouvons des évènements à l’origine d’une modification du rythme journalier ou de l’environnement :
- les visites chez le vétérinaire, le toiletteur ou encore les pensions pour chiens6
- la présence de nouvelles personnes au domicile ou un changement de situation familiale
- moins fréquemment, des changements de température (possiblement à l’origine d’un stress pour l’organisme)7
D’autres éléments, comme le cycle lunaire8, ont également été investigués, sans démontrer d’influence particulière.
L’intérêt de l’identification de facteurs déclencheurs
Que ce soit par le biais d’un traitement médical des crises ou par le biais de l’identification des éléments favorisant leur survenue, l’objectif, pour tout patient épileptique, est de réduire voire d’empêcher la survenue de crises afin d’améliorer la qualité de vie de l’animal et de ses propriétaires. L’identification de facteurs précurseurs fiables, pourrait donc permettre de prédire la survenue d’une crise et de pouvoir la traiter avant même qu’elle ne se déclenche.
Certaines études en médecine humaine sont en cours pour estimer la probabilité de survenue d’une crise et ainsi préparer le patient en l’invitant à rester au calme par exemple.
Cela pourrait être applicable pour les propriétaires d’animaux : en les rendant plus attentifs aux variations des facteurs environnementaux connus comme déclencheurs, ils pourraient identifier les situations “à risque” de survenue plus importante et agir en prévenant l’apparition de crise (changement d’environnement, administration médicamenteuse précoce, …)
Les limites de nos connaissances
La difficulté principale de ces études réside dans la fiabilité entre l’identification des facteurs déclenchants par le propriétaire et la survenue réelle des crises. C’est-à-dire : combien de fois un facteur déclenchant sera-t-il identifié dans une journée sans qu’une crise n’ait lieu ?
Selon les résultats des questionnaires proposés aux propriétaires :
- les facteurs déclenchants précédemment décrits ne sont corrélés à une crise dans les 24 heures que pour un peu plus de 50% des cas
- pour environ 25% d’entre eux, aucun lien entre les facteurs et les crises n’est retrouvé
- 78% des propriétaires affirment que seules certaines crises présentent ces signes précurseurs9
- sur plus de 60% des propriétaires affirmant pouvoir identifier la survenue des crises, moins de 50% des crises sont réellement prédites à juste titre, toujours aux dires des propriétaires10.
En conclusion, des facteurs extérieurs sont bien identifiés comme déclenchants chez certains patients épileptiques. Cependant, pour le moment, leur association avec une crise d’épilepsie reste trop inconstante et ne permet donc pas d’adapter efficacement le traitement de tous nos animaux de compagnies.
1 Swain et al. Lafora disease in miniature Wirehaired Dachshunds. PLoS One 2017;12.
2 Van Meervenne et al. Association between oestrus and onset of seizures in dogs with idiopathic epilepsy. J Vet Intern Med. 2015;29(1):251-253.
3 Brocal et al. Epileptic seizures triggered by eating in dogs J Vet Intern Med. 2020;34:1231–1238.
4 Motta et al. Suspected exercise-induced seizures in a young dog. J Small Anim Pract. 2013;54:213-218.
5 Lowrie et al. Audiogenic reflex seizures in cats Journal of Feline Medicine and Surgery 2016, Vol. 18(4) 328–336 – http://www.mon-animal-epileptique.fr/lepilepsie-du-chat/epilepsie-ou-pas-epilepsie-chat/le-fars-ou-feline-audiogenetic-reflex-seizure-chez-le-chat/
6 Shell L et al. Features of stimulus-specific seizures in dogs with reflex epilepsy: 43 cases (2000-2014). J Am Vet Med Assoc. 2017;250(1):75-78.
7 Forsgård Seizure-precipitating factors in dogs with idiopathic epilepsy J Vet Intern Med. 2020;34:1231–1238. J Am Anim Hosp Assoc.
8 Browand-Stainback et al. Canine and feline epileptic seizures and the lunar cycle: 2,507 seizures (2000-2008) Sep-Oct 2011;47(5):324-8.
9 Forsgård et al. Seizure-precipitating factors in dogs with idiopathic epilepsy J Vet Intern Med. 2020;34:1231–1238.
10 Finnegan et al. Investigating the potential for seizure prediction in dogs with idiopathic epilepsy: o wner-reportedv pr odromal changes and seizure triggers Vet Rec 2020.