Pour aborder une question aussi sensible, rien de tel que le témoignage d’une propriétaire de chien épileptique. Elodie Alquier, éducatrice canine et propriétaire de chien épileptique, nous partage sa vision à travers sa propre expérience et les échanges qu’elle a quotidiennement avec d’autres propriétaires d’animaux épileptiques.
Un chien épileptique nécessite parfois un gros investissement de temps, financier, émotionnel.
Des habitudes se créent chaque jour pour que le bien-être soit au rendez-vous : des alarmes pour les prises de médicament, une trousse de secours toujours prête, un rangement drastique de la maison pour qu’aucune nourriture ne soit à portée et que le chien ne se blesse pas en cas de crise…
Le quotidien peut paraître contraignant et la question de garder son chien en vie peut se poser.
Au début de la maladie, on est terrifié de voir son chien dans cet état, et on se dit qu’on ne pourra pas supporter ça !
Mais aussi à d’autres occasions : quand les crises sont trop nombreuses, quand elles nous empêchent de réaliser certains projets, quand on n’arrive pas à une stabilisation, quand le coût des traitements et du suivi est trop important, ou encore quand l’état du chien entre les crises semble dégradé… Sans compter l’entourage qui nous voit souffrir de la situation et nous encourage dans la voie de l’euthanasie…
Un chien peut-il mourir pendant une crise ?
Cette angoisse est légitime quand on voit son chien trembler, baver, faire ses besoins sous lui, avoir la langue bleue, parfois même hurler !
Une immense majorité des crises n’ont pas d’impact sur la survie de l’animal à court terme. Une problématique de santé sous-jacente pourrait aggraver une crise et entraîner le décès. Ces cas sont rarissimes. Il faut essayer de vivre ces moments sans penser au pire.
Les clusters…
Les « clusters » sont un motif récurrent de demande d’euthanasie, ce qui est parfaitement compréhensible. L’enchaînement de crises sur 24h ou plus et la récupération peuvent durer plusieurs jours ou semaines, ce qui est une épreuve de fond. Les progrès vers une récupération totale sont parfois lents : les chiens sont tellement secoués après un long épisode de crises qu’ils peuvent rester plusieurs heures sans voir, ni se lever. Ils peuvent sembler « sauvages », ne reconnaissant ni leur nom, ni les membres du foyer, et avoir oublié tout ce qu’ils connaissaient. Ils deviennent malpropres et peuvent faire beaucoup de bêtises, chouiner non-stop et nous faire passer des nuits blanches interminables. Ces moments sont très durs et si on entend parfois à tort, que « les neurones ont grillé », il faut être patient, se contenter d’un petit progrès chaque jour. Un retour à la normale est souvent observé au bout de quelques jours ou quelques semaines.
Néanmoins trop de clusters peuvent nous user moralement et physiquement, nous humains !
Quand est-ce le bon moment ?
La plupart des propriétaires voient leur chien stabilisé sous traitement, c’est-à-dire un animal avec un bon confort de vie (pas de crise, ou crises peu fréquentes et courtes, …).
Quand la « stabilisation » n’est pas au rendez-vous et que le confort de vie de l’animal est trop dégradé sur le long terme, on peut parfois, de façon légitime, se poser la question de l’euthanasie de son animal épileptique.
La fatigue, le stress, les échecs thérapeutiques peuvent nous décourager et nous laisser penser qu’il vaut mieux arrêter pour reprendre une vie normale.
Avant toute décision pour laquelle il n’y aura pas de retour en arrière possible, il est important de faire le point sur la situation actuelle, mais aussi sur la situation générale, en se faisant accompagner et conseiller par son vétérinaire.
Est-ce que toutes les pistes thérapeutiques ont été explorées ? Est-ce qu’un spécialiste pourrait nous aider ? Est-ce que le calme va suivre la tempête ? Comment vit le chien entre les crises ?
Il faut essayer d’épuiser toutes les possibilités thérapeutiques avant de prendre la décision ultime. Consulter un vétérinaire neurologue est souvent la clé vers une stabilisation car leur connaissance de la maladie est pointue et ils ont les compétences pour gérer les cas réfractaires.
Chacun d’entre nous supporte les difficultés de façon individuelle, et le bon moment est celui qui s’impose à un moment donné. Il est propre à chacun et il faut se faire confiance.
Un jour, le chien, ou nous-mêmes, n’avons plus la force ni le courage de nous battre, et il faut alors se délivrer mutuellement, sans regret et en étant fier de l’avoir accompagné du mieux possible.